interZona

La véritable histoire de la comtesse sanglante, tueuse de jeunes vierges

« Vanity Fair » enfile sa plus belle hermine et exhume les grands dossiers judiciaires de l’Histoire, souvent irrésolus et oubliés. À la fin du XVIe siècle, Élisabeth Bathory – connue depuis sous le nom de comtesse sanglante ou de comtesse Dracula – tuait plus de 600 personnes dans le but de rester éternellement jeune et jolie. Des crimes odieux que personne ne semblait pouvoir arrêter…

Les rumeurs les plus folles ont circulé à son sujet. Élisabeth Bathory (les puristes l’appelleront Erzsébeth) a même été accusée d’avoir entretenu une liaison avec un vampire et d’avoir forniqué, un soir d’hiver, avec le diable en personne. Mais une chose est sûre, cette comtesse – que l’on décrit d’une beauté diaphane – était folle à lier et cultivait un gothisme morbide. Elle est née le 7 août 1560, dans le confort d’une grande lignée nobiliaire installée dans les Carpates (Roumanie), une région que la fiction attribuera plus tard au comte Dracula. Très jeune, vers l’âge de quinze ans, elle est forcée à épouser le comte Ferenc Nadassy, que la postérité surnomme le « Prince noir ». L’homme est un grand général passionné par les affaires de guerres et de batailles. Il abandonne durant de longs mois sa juvénile épouse dans le château de Cachtice (dans l’actuelle Slovaquie) qu’il lui a offert. Même si elle ne voyait que très rarement ce mari mystérieux, Élisabeth met au monde quatre enfants, dont deux mort-nés. Personne n’est dupe, la comtesse aurait eu de nombreux amants. Ses vassaux lui prêtent une sexualité débridé, teintée de perversité. Dans la noirceur de son château, la Bathory s’adonnerait à des pratiques qui font froid dans le dos.

Dis-moi qui est la plus belle…

Dès son arrivée dans la région, les paysans locaux s’alarment d’une étrange série de disparitions. De nombreux domestiques, marchands et fermiers ne ressortent jamais du château, après y avoir été mandés. Ils seraient torturés, jusqu’à leur dernier souffle, par la comtesse elle-même qui se distrairait à les fouetter, les brûler… et bien d’autres supplices tout aussi atroces. Pour organiser ses jeux macabres, elle compte sur quelques serviteurs zélés : sa nourrice, sa lavandière, et un nain du nom de Ficzko. La population alentour commence alors à s’inquiéter d’être régentée par cette personnalité diabolique. D'autant plus qu'à la mort de son époux, en 1604, la châtelaine bascule dans une démence encore plus meurtrière. Un jour, visiblement échauffée par ses humeurs nuageuses, elle frappe jusqu’à la mort l’une de ses jeunes servantes et se couvre le visage de son sang. Elle remarque immédiatement que l’hémoglobine redonne à sa peau sa douceur et son aspect d’antan. Elle décide alors de traquer les femmes vierges de la région, de les saigner à vif et de se baigner dans leur sang, à la façon de Cléopâtre qui, elle, se prélassait dans le lait d’ânesse pour rester belle. Élisabeth Bathory avait trouvé la meilleure recette antirides, mais pour ce faire, était devenue la plus grandes des criminelles.

Crimes d’amour

La réalisatrice franco-américaine Julie Delpy a livré sa version de cet épisode dans l’un de ses films, La Comtesse, sorti en 2009, et dans lequel elle interprète elle-même l’Ogresse des Carpates. Dans cette adaptation cinématographique, la Bathory passe pour une amoureuse transie, follement éprise d’un très jeune homme qui la délaisse à cause, pense-t-elle, de son âge trop avancé. Elle décide donc de tuer les jeunes filles en fleurs pour retrouver l’allure de ses vingt ans et ainsi le reconquérir. En effet, de nombreux écrits admettent que la comtesse était obsédée par la beauté et la jeunesse éternelle. Une obsession qui lui aurait fait perdre la raison. Mais des historiens plus contemporains viendront nuancer cette thèse. Selon eux, si la vanité féminine a été présentée comme le seul motif de ces crimes, c’est bien que l’on ne pouvait pas imaginer à l'époque qu’une femme pouvait tuer par sadisme.

Plus tard – quand le courant psychanalytique sera passé par là – on pointera du doigt un « épisode traumatique » dans l'enfance d'Élisabeth Bathory. Avant son mariage, elle aurait entretenu une liaison avec un paysan, dont elle aurait même eu un enfant. Mais ne pouvant élever la progéniture d'un cul-terreux, elle l'aurait abandonné. Un souvenir qui nourrira chez elle une véritable exécration du petit peuple.  

Une affaire judiciaire étouffée

La rumeur de ces crimes barbares – commis dans l’enceinte du château de Cachtice dont les cris percent la nuit – se répand dans tout le pays, jusqu’à arriver aux oreilles de l’empereur du Saint-Empire et roi de Bohême, Mathias Ier. Il missionne alors son conseiller Georges Thurzo pour enquêter sur place. Ce dernier rencontre Pal, le fils chéri de la comtesse, et lui promet de ne jamais déballer cette affaire judiciaire sur la place publique pour ne pas entacher la dignité de cette grande famille seigneuriale aussi renommée que riche. Rapidement, l’enquête apporte ses conclusions : la culpabilité de la comtesse sanglante ne fait aucun doute. Lors des investigations, une servante confie que sa maîtresse a tué plus de 600 personnes et qu’elle a même méticuleusement recensé leur nom dans un carnet… qui ne sera jamais retrouvé. Pour ne pas ébruiter l’affaire, aucun procès n’est tenu. Erzsébeth est emmurée dans sa propre chambre, où elle est maigrement nourrie par une petite fente dans la cloison. À l’âge de 54 ans, elle meurt de chagrin, d’ennui, et de folie… Ses complices auront, quant à eux, les doigts coupés, puis l’affaire sera considérée comme classée.

Un Dracula au féminin

Teintée de beaucoup de mystères, l’histoire de la Bathory, où se mêlent fiction et réalité, s’inscrit rapidement dans la légende. De ville en village, les badauds se remémorent la vie et la mort de cette châtelaine suceuse de sang, qu’ils dessinent comme une figure vampirique. À la fin du XIXe siècle, l’écrivain Bram Stroker s’inspire alors de ce personnage pour créer son célèbre Dracula. Depuis, le fantôme d’Erzsébeth plane sur toute la littérature et le cinéma fantastiques, la consacrant ainsi comme l’une des femmes les plus cruelles de l’Histoire.